EFFET BOULE DE NEIGE

La neige fond lentement sur les trottoirs de la petite station de ski désertée. D’un gris sale, triste et déprimant, la neige n’en finit plus de disparaître : les chasse-neige inutiles passent une dernière fois avant la tombée de la nuit. Quelles journées vides ! Les touristes sont repartis vers des cieux plus cléments et vers leurs ports d’attache : c’est l’effet boule de neige…Absence de neige et mauvais temps font fuir les citadins, les skieurs ont quitté le navire. Et plus navrant, beaucoup plus navrant, l’argent de la neige ne rentrera plus dans les caisses. La saison serait déjà terminée ? Mais de quelle saison parler ?

La neige a fondu lentement mais sûrement, il n’en est pas retombé non plus. Depuis quand déjà la neige n’est-elle pas retombée ? Cette année les commerces de la station ont pour la plupart déjà baissé leurs rideaux et leurs propriétaires inquiets s’interrogent sur l’avenir du village. C’était une si jolie petite station de sports d’hiver n’est-ce pas ? La mairie avait beaucoup investi, la neige ne rechignait pas à recouvrir les pentes en abondance, le futur se dessinait radieux. Un emploi pour les habitants de la commune, sur les pistes, à l’Office de tourisme crée spécialement pour accueillir la clientèle. Les jeunes pouvaient vivre au pays et y travailler.

La neige continue à fondre, d’ailleurs cet hiver, il en est tombé si peu. La neige se fait rare et l’argent de la neige aussi. Cet or blanc auquel ils ont tous cru au village. De beaux panneaux neufs et colorés « A VENDRE », seules touches de couleur dans cet univers terne ont été suspendus récemment aux devantures de la pizzeria et de la crêperie. L’agent immobilier est monté exprès de la ville et il aurait annoncé que les propriétaires quittaient définitivement le village. Deux familles en moins et cinq enfants qui ne fréquenteraient plus l’école. L’inspectrice de l’Education Nationale n’allait pas tarder non plus à débarquer, après les boutiques ce serait bientôt au tour de l’école de disparaître…Quel malheur, quel malheur !

Quelques anciens sont assis au centre du village, de leur village. Ils ne craignent ni le froid ni l’humidité, ils ont l’habitude, ils en ont tant vu passer des hivers. Mais cette année, si on veut bien tendre l’oreille à leurs propos, ils sont troublés, désorientés par ce climat qu’ils ne reconnaissent plus. Ils disent avec leurs pauvres mots, mais mots sensés de montagnards rudes et durs à la tâche, que l’argent de la neige c’était de l’argent gagné trop facilement, que les habitants ont eu les yeux plus gros que le ventre et aussi, que plus personne ne respectait la montagne, leur montagne. Ils disent cela en hochant la tête, et encore, que la Nature reprend ses droits, qu’elle est maîtresse et non soumise au bon vouloir des hommes…Voilà leurs paroles …tout en contemplant la fonte des neiges, une fonte bien avant l’heure…

A.A.

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