Animée d’une ambition sans bornes, soucieuse d’adapter la commune à la modernité, et ne reculant devant aucun obstacle, fut-ce celui du grotesque, la municipalité bressaude, au mi-temps du mandat que lui ont confié les électeurs, a crânement décidé de marquer d’une pierre blanche ce moment singulier. Sans doute impatiente de frapper les esprits pour l’éternité, elle entreprit de mettre en chantier la mesure phare de son programme électoral, la construction d’un nouveau funérarium.
Voilà bien ce qui faisait cruellement défaut à la commune. L’actuel bâtiment a un très gros inconvénient, il est situé en face du temple de la consommation locale, le super U qui a la réputation d’être un des plus chers de France particulièrement pendant les saisons touristiques, et elles sont nombreuses.
Compte tenu de la fréquence élevée des décès, sans présenter une affluence de même niveau que celle du Super U, le funérarium n’en occasionne pas moins une activité soutenue qui chagrinerait les gérants de la grande surface. Un bon consommateur est un consommateur vivant, et il n’y a que Michel Leclerc (le frère du concurrent de Super U) qui eut l’idée de faire fortune dans le commerce funéraire. Qu’à cela ne tienne, la municipalité, jamais à court d’idée (!) et à la suite d’une intense réflexion décida la construction d’un nouveau funérarium plus grand, plus beau mais surtout loin de la vue des clients du commerce d’en face qui pourraient, devant le spectacle funéraire, s’en trouver freinés dans leur fièvre acheteuse.
Cette bagatelle, si j’ose employer ce mot, va juste coûter 520 000€ aux contribuables locaux, mais que ne ferait-on pas avec l’argent public pour satisfaire ses soutiens et les grandes surfaces en danger !
Les arguments à l’appui de ce projet ne manquent pas d’être percutants : voir ici l’extrait du conseil municipal du 11 septembre 2017 :
Ainsi le rythme des décès va pouvoir s’accroître, puisque trois chambres funéraires au lieu des deux actuellement disponibles vont dorénavant être à la disposition des Bressauds. Plus de risque d’embouteillage post mortem, une véritable autoroute s’ouvre avant le cimetière ou le crématorium.
Encore eût-il fallu pour justifier ces travaux, qu’il y eût embouteillage. Aucune évocation, nulle part, pas le moindre chiffre ou la plus petite statistique, nous sommes tenus de les croire sur paroles. On se demande d’ailleurs à quoi servent les conseillers, ne posant aucune question susceptible d’éclairer les citoyens ? Il faut tout de même noter, et c’est une grande première, que « l’opposition » s’est résolue à voter contre après avoir timidement posé quelques questions.
On va me dire que je me vautre sans vergogne dans la facilité, en rapprochant la prochaine fermeture du collège public et l’ouverture du funérarium, et en titrant cette chronique « Moins de Collège, Plus de Funérarium ! » : on aura raison ! Mais convenez avec moi que les efforts incessants de cette municipalité pour s’exposer aux critiques les plus faciles ne manquent pas de constance et qu’il serait dommage de n’en point profiter !
J’aurais pu, et je ne l’ai pas fait, rappeler que les 520 000€ consacrés aux défunts qui n’en demandaient pas tant, auraient été plus utiles aux vivants de l’EHPAD, afin de combler le trou phénoménal creusé en deux ans par l’ancien directeur, sous le regard absent du Maire et de son adjointe aux affaires sociales. Voir cet article
P.S. J’interdis aux mauvaises langues, si si il y en a, de suggérer d’installer le nouveau funérarium dans les locaux désaffectés du collège !
Le 29 octobre 2017
Gracchus