La démocratie selon Monsieur J. Mathieu :
Le 11 décembre 2018, j’ai demandé communication des comptes rendus du Conseil d’administration de la Régie Municipale d’électricité. Ces comptes rendus sont comme tous les documents administratifs communicables à toute personne qui les demande (loi N° 78-753 du 17 juillet 1978). La réponse qui m’a été faite par la Régie expliquait doctement qu’il était impossible de me les communiquer au motif que ceux-ci « contiennent des éléments qui ont trait à la gestion du personnel de la Régie et de ce fait sont confidentiels », voir précédent article ici.
Évidemment cette réponse est infondée, ce que n’ignorent pas le Président et le Directeur de la Régie. J’ai donc saisi une fois de plus la CADA (Commission d’Accès aux Documents Administratifs) qui m’a donné raison et a indiqué dans sa réponse que les documents demandés étaient transmissibles en l’état, donc, sans même masquer les éléments ayant trait à la gestion du personnel. Suite à cet avis de la CADA et après avoir rappelé la Régie à ses obligations, j’ai enfin reçu les documents. C’est alors qu’à la lecture de ceux-ci, une grosse surprise m’attendait. Plusieurs comptes-rendus comportaient des passages entiers masqués au feutre noir. Certains de ceux-ci concernaient de toute évidence des éléments ayant trait à la gestion du personnel, et bien qu’aucune indication de la CADA n’ impose leur occultation, j’indiquais par téléphone, puis par écrit au directeur de la Régie que je ne demandais pas qu’on les dévoile. En revanche des points entiers des comptes-rendus avaient été masqués sans que l’on puisse deviner leur objet. Je demandais donc au Directeur de rectifier l’envoi et, soit de laisser apparaître l’objet des points litigieux afin de confirmer qu’il s’agissait bien d’affaires concernant le personnel, soit dans le cas contraire de supprimer le masquage. Par téléphone le Directeur m’affirma qu’il s’agissait bien de points concernant la gestion du personnel et me demanda de lui faire confiance. Ce que je ne fis pas et j’envoyais une demande écrite dans ce sens à la Régie avec copie au médiateur de la République d’Epinal.
Toutes ces démarches, depuis la demande initiale ont duré plus de six mois, au bout desquels la Régie à été contrainte de communiquer les documents non tronqués. Ceux-ci, vous vous en doutez, ont réservé quelques surprises de taille. La première fut la confirmation qu’aucun des paragraphes masqués ne concernait la gestion du personnel !
Les suivantes furent la découverte des points que l’on voulait tenir secret en multipliant les manœuvres dilatoires et illégales. On voulait évidemment me les cacher, mais surtout aux usagers et contribuables bressauds.
Ce qu’on a voulu nous cacher :
De quoi a-t-on si peur ? Passons en revue les quatre points visés, qui je le rappelle concernaient selon les déclarations du Directeur et sous le contrôle du Président la gestion du personnel !
En premier lieu, nos mousquetaires, dans le compte-rendu du CA du 12 juillet 2016 ont consciencieusement masqué le point intitulé « présentation du coût de déploiement des compteurs communicants », nous verrons un peu plus loin de quoi il retourne et pourquoi cela a été caché.
Puis, dans le compte-rendu du CA du 10 octobre 2017, nos héros n’ayant peur de rien occultent totalement le point intitulé « Incidence de la fabrication de neige de culture sur la production hydroélectrique du barrage de la Lande ». On y apprend que tout va bien, qu’une étude a été réalisée et qu ‘elle conclut à un bilan globalement positif. Connaissant le tropisme des sus-dit pour le secret et la dissimulation je ne peux qu’émettre les doutes les plus forts sur cette conclusion, d’autant qu’aucun chiffre n’est cité et que de plus, on y apprend que la RME doit souscrire auprès d’ ENEDIS (EDF) un abonnement supérieur de 2 MW pour satisfaire l’approvisionnement de l’usine à neige, sans générer de dépassement de puissance sur le contrat. Nous touchons ici au cœur de la démonstration que j’avais faite sur l’abandon par la Régie de ses capacités d’écrêtage et des conséquences financières négatives induites, dès l’instant où la décision a été prise de vendre la totalité de la production à un agrégateur. Voir article.
J’ai demandé par conséquent communication de « l’étude » évoquée dans le compte-rendu. En effet, les usagers doivent savoir combien ils payent pour assurer l’approvisionnement de l’usine à neige. Il doivent aussi savoir combien ils vont payer pour assurer le financement de la ligne de secours en construction depuis Longemer Retournemer jusqu’au col des Feignes sous Vologne. Ligne de secours dont on montrera dans un prochain article (ce feuilleton aura-t-il une fin?) quelle est sa véritable raison d’être.
Continuons la série des exploits avec le compte-rendu du CA du 11 décembre 2018 où le « point sur la production hydraulique 2018 » a lui aussi été passé au feutre noir. On y apprend que la production sera dans la moyenne des autres années et c’est à peu près tout. Pourquoi cacher ce point, je me perds en conjectures, quelque chose m’aurait échappé ? Pourquoi pas ! Mais serait-il possible qu’entraînés dans leur élan nos censeurs n’aient de cesse que de censurer ? Et qu’importe le contenu pourvu qu’on ait l’ivresse. Allez savoir !
Je terminerai cette petite revue du tripatouillage ordinaire par cette dernière cachotterie relevé sur le compte-rendu du CA du 02 octobre 2018. Ce point, lui aussi occulté, concernant des personnes privées, je ne l’évoquerai que d’un point de vue général : suite à un incident sur le réseau, qui a causé la destruction d’appareils électriques, la Régie a, sur la demande des personnes concernées, décidé de prendre en charge la perte financière qu’ils ont eu à supporter après remboursement par leur assurance, et de leur verser le montant des franchises et de la vétusté. Cette décision constitue, on l’aura compris, un dangereux précédent, il sera désormais difficile à la Régie de refuser de rembourser dans l’avenir les usagers qui seraient confrontés à une situation similaire, et l’on peut s’étonner que la Régie joue le rôle normalement dévolu à une assurance, ou vienne en complément de celle-ci.
Linky à La Bresse :
Revenons-en au projet de remplacement de tous les compteurs électriques de La Bresse par des compteurs communicants Linky.
Par un courrier du 16 mai 2019 j’ai demandé au Maire si la Régie projetait d’installer ces compteurs, La réponse écrite du Maire en date du 04 juin 2019 fut sans équivoque, ce remplacement n’était pas à l’ordre du jour. Or deux comptes rendus du CA de la RME , le Maire étant présent à l’un d’entre eux, font état de la décision de remplacer les compteurs actuels par des compteurs Linky. Le CA du 15 mars 2017 évoque le remplacement « d’ici un peu plus d’un an ». Celui du 12 juillet 2016 présente une étude sur le coût de déploiement des compteurs communicants dans la commune et précise que 4000 compteurs devront être remplacés d’ici 2024.
Cette étude produit un tableau comparatif coûts/bénéfices qui conclut à un résultat de moins 581 000€ à la charge de la Régie, donc des usagers. Une fiction supplémentaire, inventée par un esprit comptable peu rigoureux, veut nous faire accroire qu’en fin de compte, ce coût lissé sur 20 ans n’impactera les comptes de la régie que de 30 000€ par an. C’est déjà trop, mais il n’est pas dit qu’une part très majoritaire des dépenses sera à régler au départ, achat des compteurs, du matériel et des logiciels, alors que les économies estimées sont lissées proportionnellement sur 20 ans. Et last but not least, il est précisé que ces coûts n’intègrent pas le temps passé par les agents de la RME pour remplacer les compteurs, et mettre en place les concentrateurs. Autant dire que le coût réel sera bien supérieur à celui annoncé.
Il reste un paramètre et non des moindres qui n’a pas été pris en compte. C’est celui de la durée de vie de Linky, matériel composé totalement d’électronique, dont on sait aujourd’hui que la durée de vie, estimée par les constructeurs eux-mêmes, est de 7 ans. Enedis qui installe ces compteurs partout en France et dont la réputation de roi des menteurs n’est plus à faire, après avoir affirmé contre toute évidence, au début de la campagne de remplacement que leur durée de vie allait de 25 à 30 ans, a dû, suite aux déclarations d’experts de la branche d’activité revenir sur ses affirmations. Il annonce aujourd’hui 15 ans, encore un effort, et même Enedis sera contraint de reconnaître la réalité c’est à dire 7 ans. A la RME, les fumeux calculs de nos comptables bressauds qui tablent en « experts » de la chose sur 20 ans paraissent furieusement baroques !
De plus il est utile de savoir que le véritable objectif de ces compteurs, c’est le big data, c’est à dire la récupération et le traitement des données de consommation électrique, mais également d’autres données personnelles des usagers afin de les exploiter à des fins commerciales, mais aussi policières et politiques si nécessaire !
Sachant cela, la question vient naturellement à l’esprit, quel est l’intérêt de la Régie dans cette affaire ? Et que l’on ne nous parle pas du relevé à distance, un calcul élémentaire montre que le coût d’installation est sans commune mesure avec l’économie engendrée par la suppression du relevé à pied. Quant à la soit-disant obligation d’installer ces compteurs espions, polluants, dangereux pour la santé, dispendieux pour l’usager, énergivores, responsables de l’explosion des factures (quand ce n’est pas des appareils électriques eux mêmes), cette obligation donc est une fumisterie. Les textes de lois cités dans le compte-rendu ne font qu’autoriser les distributeurs (Enedis pour 95% du territoire, les Régies pour le reste) à les installer et ne constituent nullement une obligation.
Si Linky nous était conté…
Je vous propose en guise de conclusion provisoire sur cette question du compteur Linky, la fiction suivante qui pourrait vite devenir réalité, si on laisse libre cour à nos apprentis sorciers : les compteurs Linky ont remplacé sur toute la commune nos anciens compteurs qui fonctionnaient sans problèmes. Nous sommes en hiver, la température fluctue autour de zéro degré, la saison de ski bat son plein, les locations saisonnières affichent complet, la demande en électricité est à son maximum. Les chutes de neiges ne sont pas suffisantes pour permettre une bonne couverture des pistes, il faut donc produire de la neige industrielle (je sais que certains appellent cela de la « neige de culture » mais alors pourquoi parler d’une « usine à neige » si ce n’est pour fabriquer un produit industriel?) ,L’appel de puissance électrique risque d’être supérieur au contrat d’abonnement souscrit avec ENEDIS (EDF) malgré les 2 MW supplémentaires déjà souscrits. La conséquence du dépassement ce sont des pénalités importantes pour la Régie. C’est là qu’intervient ce que les techniciens nomment “l’effacement diffus” qui peut alors produire ses effets, grâce au système mis en place autour des compteurs communicants. Comment ça marche ? Les techniciens de la Régie prennent, par l’intermédiaire du courant CPL et du Linky, la main sur les installations électriques de chaque usager et stoppent les appareils électriques gros consommateurs comme le chauffe eau, la machine à laver…. pendant le temps nécessaire pour passer le pic de consommation.
Au plan régional et national cette technique est déjà utilisée par ENEDIS pour équilibrer production et consommation sur le réseau électrique.
En un mot, ce sera dorénavant à l’usager de supporter la charge précédemment assumée par le producteur, EDF en l’occurrence qui démarrait ou stoppait des unités de production en fonction de la demande. Mais tout cela, c’était avant l’ouverture du marché à la concurrence, depuis il n’est plus question de demander à des privés de diminuer leur production, la règle pour eux n’étant plus le service public mais le profit privé.
A La Bresse quand Labellemontagne aura besoin de faire fonctionner son usine à neige, on vous coupera peut-être le chauffage, le chauffe eau, la machine à laver etc….
C’est sans doute ce que certains appellent la transition énergétique !!!
Le 12/09/2019
Dominique Humbert alias Gracchus
Tous les articles concernant la Régie Municipale d’Electricité de La Bresse sont ICI
Dernière minute : mes doutes et interrogations étaient fondés. J’ai reçu le 13 septembre l’étude dont j’avais demandé communication. Cette étude se résume à un tableau. Il est truffé d’inexactitudes, d’oublis, d’approximations, d’affirmations infondées. On y trouve aussi des chiffres quasiment miraculeux sortis du chapeau. Un vrai travail d’artiste !! Nous en ferons l’analyse dans un article à paraître très rapidement.